Positionner la Maintenance au cœur de l'efficacité énergétique, pour une meilleure maîtrise opérationnelle
Intégrer l’énergie dans une stratégie de maîtrise opérationnelle globale implique prioritairement de répondre aux 3 questions suivantes :
- Comment mesurer la performance énergétique de votre entreprise, de ses utilités et procédés, en vue de pouvoir suivre dans le temps son amélioration et ses dérives ?
- Comment lister et mettre en œuvre les axes de travail présentant les meilleures opportunités ?
- A qui confier la responsabilité de la mise en œuvre de ce plan d’action et quels sont les priorités à donner ?
Mesurer la performance énergétique
Quels sont les indicateurs de performance énergétique qui peuvent caractériser votre entreprise ? Comment pouvez-vous suivre ces indicateurs de manière simple et fiable ?
Le suivi des consommations énergétiques ne représente en soi qu’une partie de l’image de l’efficacité énergétique de l’entreprise. C’est le lien entre les consommations d’énergies et le niveau d’activité qui donne une image complète de la performance énergétique de l’entreprise. Connaître son efficacité énergétique implique de définir et mesurer les éléments suivants :
- Les indicateurs d’activité les plus représentatifs de l’entreprise (To d’acier, m³ d’eau, m² de panneau, Degré-jours,…)
- Les consommations d’énergies associées à ces mêmes indicateurs d’activité.
Une fois ces prémices définis, les 2 questions suivantes se posent :
- Comment reprendre sur un seul et même système d’information énergétique l’ensemble de ces données de production et de consommation, en vue d’établir une routine de calcul de la performance énergétique ?
- Le marché offre de multiples solutions de « comptage énergétique », lesquelles seraient les plus adaptées à votre activité ?
La mise en place de moyens de mesure et de vérification de la performance énergétique de l’entreprise est une base indispensable et prioritaire dans l’implémentation d’une stratégie de maîtrise opérationnelle.
« Mesurer, c’est savoir »
Élaborer son plan d’action
Tentons tout d’abord de redéfinir ce qui caractérise une opportunité en matière de performance énergétique :
- Les CAPEX – quel est l’investissement de départ nécessaire à la mise en place de l’amélioration ? Quelles sont les options de financements de mon plan d’action ?
- Les OPEX – quels sont les gains/coûts opérationnels générés tout au long de la durée de vie de l’optimisation énergétique ;
- Le ROI (Return on Investment) – quels sont les retours sur investissements de mon plan d’action, et quelles sont les projections financières à terme (valeur actualisée nette, taux de rentabilité interne) ?
- L’impact sur notre dépendance aux énergies – dans quelle mesure cette modification va-t-elle réduire (ou augmenter) notre exposition à la volatilité des prix des énergies ?
- L’impact environnemental – quels sont les gains en CO2 générés par cette optimisation ?
- L’impact sur la communication d’entreprise – quelles sont les opportunités de business qui peuvent découler de ma démarche et quelle image cette politique peut-elle renvoyer à nos clients ?
- L’impact sur les ressources humaines : Quelles sont les ressources internes et externes les plus appropriées pour mettre en place notre plan d’action ?
Les réponses à ces questions permettront de définir des priorités, avec l’objectif de mettre en place rapidement les améliorations à faibles coûts et faibles ROI, pour ensuite mettre en place d’autres projets d’économies d’énergies.
Pour connaître les grandes tendances de ces priorités et visualiser plus précisément l’implication de la maintenance dans ce plan d’action, j’ai réalisé une étude sur base des résultats issus de 35 audits énergétiques industriels.
Les secteurs concernés sont variés :
- Agroalimentaire
- Chimie
- Transformation de la roche (carrières)
- Industrie technologique (électronique, mécanique de précision, emballages)
- Traitements de déchets
- Industrie du bois
- Textile
- Emballages plastiques, métalliques, carton
- Traitement et distribution des eaux
Les pistes d’amélioration étudiées touchent à l’ensemble des usages énergétiques, à la fois au niveau des utilités, des procédés, des bâtiments. Elles peuvent être catégorisées comme suit :
- Régulation
- Force motrice
- Récupération de chaleur
- Management de l’énergie
- Relighting
- Vapeur-eau chaude
- Froid industriel
- Air comprimé
- Énergies renouvelables (SER)
- Process
Précisons tout d’abord les points suivants :
- La régulation intègre l’ensemble des actions liées à la modification de consignes et la mise en place de capteur-régulateur-variateur visant à générer des gains d’énergies, tout usage confondu
- Le poste force motrice ne concerne que le remplacement de moteurs anciennes technologies par des moteurs nouvelles technologies
- Le management de l’énergie concerne l’ensemble des actions qui découlent des axes suivants :
- Mise en place de systèmes d’information énergétique (capteurs, reporting et analyse énergétique…)
- Gestion en bon père de famille des équipements
- La mise en place de système de management de l’énergie, de type ISO50001 ou accords de branche
- Les actions process concernent l’ensemble des améliorations énergétiques induites par le remplacement d’équipements industriels. Les ROI sont calculés sur base d’un investissement considérant le seul surcoût par rapport à une technologie de référence. À noter que ces améliorations ne sont pas initialement réalisées à des fins d’économies d’énergies, mais de productivité, de mix produit ou encore de qualité
- Le champ « récupération de chaleur » inclut la cogénération au gaz naturel et le calorifugeage de conduite de fluide caloporteur
- Les champs « air comprimé, froid industriel, eau chaude/vapeur » n’incluent pas les améliorations liées à la modification de consignes de réglages, qui ont été intégrés au champ « régulation »
Reprenons ci-dessous la classification par ROI de l’ensemble des catégories d’amélioration énergétiques techniquement faisables.
Sur base de ces résultats, on peut observer ce qui suit :
- La majorité des projets de régulation et de management de l’énergie sont rentables en moins de 2 ans
- La régulation des installations conditionne une part importante de l’efficacité énergétique de l’entreprise. L’entreprise doit identifier en priorité les défauts de régulation, notamment grâce à un système de mesure des consommations, pour enfin corriger les dérives et défauts. Les CAPEX et les ROI sont faibles
- L’implémentation d’un système d’information énergétique, pour mesurer l’évolution et identifier les consommations d’énergies inutiles en vue de les gérer (management de l’énergie) est indispensable
- La mise en place d’un système de management de l’énergie, systématique et récurrent, de type ISO par exemple, permet de capter des économies d’énergies à CAPEX faibles, en diminuant les risques de « gaspillages »
- Les projets de production d’énergies renouvelables ne sont pas rentables en moins de 5 ans, sauf cas particulier. Notons qu’il existe toutefois des formules de financements de type tiers investisseur ou renting financier qui peuvent modifier (où améliorer) la perception de l’intérêt économique du dossier
- La récupération de chaleur en industrie est un post permettant de capter des économies d’énergies considérables
- La modernisation des installations de process permet de catalyser des gains énergétiques importants, grâce à l’intégration de l’efficacité énergétique dès la conception des équipements/installations -> il est nécessaire de concevoir avec l’énergie
- Le froid industriel est un axe d’optimisation énergétique particulièrement important dans l’industrie agroalimentaire
- L’air comprimé est rarement un usage majeur dans l’industrie, contrairement à la vapeur. Il réside toutefois dans l’air comprimé des axes d’amélioration importants sur base de levier simples et à faibles coûts (fuites réseau, commande de la centrale…)
Définir les ressources à mobiliser pour mettre en œuvre le plan d’action, et fixer les priorités
Le caractère technique et l’importance des réglages des installations dans les améliorations énergétiques confèrent à la maintenance une position privilégiée pour mettre en place un plan d’action énergétique. Un système d’information énergétique approprié permettra au service technique d’obtenir une meilleure transparence sur ces consommations, ce qui est un prérequis indispensable dans la démarche.
Il n’est toutefois pas simple de mobiliser du personnel de maintenance à des fins d’économies d’énergie, les priorités étant souvent données à la disponibilité des installations et l’amélioration des moyens de production. Et les entreprises ne sont pas (encore) obligées d’investir dans l’efficacité énergétique ! Un retour d’expérience nous permet d’identifier les freins suivants :
- Les fonds propres de l’entreprise servent prioritairement à l’outil de production. Des sociétés se sont pourtant spécialisées dans le financement de l’efficacité énergétique et sont activement à la recherche de projets.
- Les ressources techniques internes des entreprises en général déjà entièrement mobilisées, et le recours à une société externe n’est pas un réflexe. Pour changer cette mentalité, une question doit être posée : quel est le manque à gagner généré par l’inaction ? Il est urgent de réaliser des économies d’énergies et le recours au support externe est une solution pour catalyser rapidement et efficacement ces gisements d’économies d’énergies, permettant d’importer expertise, disponibilité et flexibilité, pensez-y !
Auteur : Hervé DELPORTE Directeur et fondateur de Delpower